FOCUS SUR LE GENRE ET CONCEPTS LIES

AUTEUR :  FRANCOIS DAOUR GUEYE

Depuis des décennies déjà, un intérêt accru est porté à la dimension genre dans une perspective de développement global. Ce qui a amené la communauté internationale en général et les gouvernements en particulier à inscrire la promotion de l’équité et de l’égalité entre les sexes au rang des priorités. Cette intégration du genre dans les interventions de développement est appuyée par divers instruments et cadres de promotion des droits humains : protocoles, conventions, déclaration, politique nationale et sectoriel (Ministère).

Le genre est une notion complexe parce que polysémique. Il est à la fois :

  • Un concept ;
  • Une méthodologie d’analyse ou un outil d’analyse
  • Une approche de développement.

CONCEPT GENRE

Tandis que le sexe est une donnée biologique qui différencie l’homme et la femme à travers certaines caractéristiques qui leur sont propres et qui sont innées (état de mâle ou de femelle dans le sens biologique du terme), le genre est une notion abstraite qui renvoie à la construction sociale qui attribue des rôles, responsabilités, comportements appropriés ou non aux hommes et aux femmes sur la base de leur sexe biologique. Cela se manifeste notamment dans les dimensions suivantes :

  • La division du travail
  • La manière de s’habiller, de marcher etc. 
  • L’expression des sentiments
  • Etc.

Le genre est donc le résultat du processus de socialisation des hommes et des femmes. Il est ainsi une variable qui change d’une société à une autre et dans la même société, d’une époque à une autre. Exemple, ce qu’on peut tolérer pour les adolescentes, jeunes filles et femmes d’aujourd’hui en matière d’habillement ne l’étaient pas pour ces mêmes catégories un siècle avant.

Les rôles et responsabilités attribués aux hommes et aux femmes induisent des relations et des rapports sociaux différents et inégalitaires entre ces deux catégories.

LE GENRE OUTIL D’ANALYSE des relations hommes-femmes, de leur situation et statut a tous les niveau (ménage, communautaire et nationale)

Le genre est aussi un outil opératoire qui permet d’analyser les rôles et responsabilités des hommes et des femmes, les relations et rapports qu’ils et elles entretiennent et les implications de cette répartition sur le vécu des un-e-s et des autres.

Les rôles de genre renvoient ainsi aux comportements acquis, attribués par la société qui détermine quelles activités sont féminines ou masculines.

Quant aux rapports de genre, ils renvoient aux relations spécifiques de pouvoir entre des individus de sexe différent. Ces rapports peuvent être :

  • Egalitaires : l’autorité parentale est substituée à l’autorité paternelle ;
  • De subordination : la femme est soumise à l’autorité du mari ;
  • De domination : le pouvoir de décision revient à l’homme au sein du ménage

Comme outil, le genre permet d’examiner les relations entre les sexes pour reconnaître les liens de causalité sexospécifiques dans un contexte défini ou un secteur donné de la vie économique et sociale. Il permet également d’identifier les problèmes, aspirations et potentialités spécifiques aux femmes et aux hommes. Des matrices et cadres d’analyses élaborés par d’éminent-e-s universitaires et de chercheur-euse-s sont utilisés à cette effet.

LE GENRE APPROCHE DE DEVELOPPEMENT ET DE PROMOTION DES DROITS HUMAINS

Parce que ces rôles, relations et rapports induisent des situations d’injustices sociales, de disparités socio-économiques, d’exclusions, d’inégalités et d’oppression, l’approche genre cherche à les modifier avec des processus visant plus d’équité, de justice et d’égalité entre les hommes et les femmes.

L’approche genre interroge fondamentalement trois questions (les questions de genre ou gender-issues) :

  • les disparités de genre (exemple taux d’accès à l’emploi pour les hommes et pour les femmes) ;
  • les discriminations de genre (Traitement différent, institutionnalisé sur la base de l’appartenance à l’un ou l’autre sexe ;
  • et l’oppression : utilisation du pouvoir politique et de la domination pour assurer le maintien d’un système injuste au bénéfice d’une catégorie d’acteurs et au détriment d’une autre. L’oppression des femmes se manifeste par la domination des hommes pour assurer leur subordination et leur domestication.

L’approche genre permet de voir dans le détail si (i) la répartition des tâches entre hommes et femmes, (ii) l’accès des femmes et des hommes aux ressources ainsi qu’aux bénéfices sont équitables au regard des efforts investis. 

Elle permet d’identifier les besoins, les responsabilités et les priorités des différents groupes de la population. Elle s’intéresse aux rôles et aux relations entre les hommes et les femmes et peut élargir son champ d’investigation à des variables comme l’âge, et des facteurs d’influence comme le niveau socio-économique, l’appartenance ethnique, la religion etc.  

En cherchant à réduire, voire éliminer les écarts et les inégalités, elle contribue à la mobilisation de toutes les catégories de populations, particulièrement hommes et femmes « sur un pied d’égalité », à l’atteinte des objectifs de développement. 

Cette approche globale et complète, permet de :

  • Définir les besoins, les contraintes et les priorités des hommes et des femmes ;
  • Repérer les interdépendances entre les politiques, les programmes et les projets et leurs effets sur les moyens d’existence de la population ;
  • Déterminer les potentialités d’action pour le changement.

L’approche sous-tendue par l’Analyse socioéconomique selon le genre (ASEG) s’articule autour de trois principes directeurs :

  • Les rôles et les relations inhérents au genre sont déterminants ;
  • Les personnes défavorisées constituent la priorité ;
  • La participation de toutes les parties prenantes est fondamentale pour le développement

Il y a fondamentalement 4 raisons pour l’application de l’approche genre et développement :

  1. Les politiques, plans, programmes projets et budgets sont orientés vers le citoyen et ne peuvent de ce fait être un exercice neutre.
  • Ce sont des exercices concrets qui ciblent des résultats précis et palpables sur des personnes physiques : les citoyens. Le concept de citoyen est un concept abstrait et englobant. Il désigne à la fois des enfants (garçons et filles) des femmes et des hommes.
    • Donc dans la perspective de prise en compte des citoyens dans ces différents exercices, on ne peut pas présumer qu’ils sont identiques. i)  Ils peuvent avoir des caractéristiques démographiques différentes (âge, sexe, ethnie, race) ; ii) des caractéristiques basées sur l’économie, la société, la culture, la géographie, l’environnement, etc. peuvent aussi les différencier. Ces dernières caractéristiques sont dynamiques et dépendent de facteurs contextuels et structurels.
  • Les personnes visées ne peuvent être considérées comme vivant en isolation :

Elles naissent avec des relations, en nouent durant leur vie et forment des groupes et des institutions sociales. Ces relations qui sont à la base de l’organisation sociale engendrent du coup une division du travail, des ressources et des responsabilités. On peut donc en conclure que les différences sociales sont fortement liées au fait relationnel parce que les relations ne sont pas symétriques ou équivalentes. E sont des relations de pouvoir. Le fait relationnel implique aussi que ce qui affecte un individu du groupe peut en affecter un ou plusieurs autres (mère-enfants), qu’un individu peut être tributaire d’un autre (conjoint).

  • Ce que les femmes et les hommes, les garçons et les filles peuvent accomplir durant leur vie dépend de leur situation, c’est à dire leur profil de contraintes et d’opportunités
  • Les activités qu’ils/elles font ;
    • Les ressources dont ils/ elles disposent ;
    • Les pouvoirs, l’autonomie qu’ils/elles ont à prendre des décisions, à contrôler les actifs et à en disposer ;
    • Les droits qu’ils/elles ont et dont ils/elles peuvent effectivement jouir ;
    • Les obligations qu’ils/elles doivent accomplir ;
    • Etc.
  • Les politiques, plans, programmes projets et budgets influencent cette situation de fait ou visent à la modifier
  • Ils ont des impacts différenciés sur les individus même lorsqu’il n’y a aucune intention de discrimination, d’exclusion ou de préférence parce que leur situation de départ est différente.
    •  Les relations entre individus influencent également les bénéfices qu’ils tirent des interventions.
    • Certaines interventions visent explicitement la réduction des inégalités.

Remarque : Egalité de traitement, de chances et de résultats

Le plus important dans une démarche d’ASEG, c’est l’égalité de résultat. Le traitement ne doit être égal que si les situations de départ sont égales. Autrement, les résultats sont biaisés et il y a même risque de renforcer les inégalités. Le traitement doit donc être basé sur une analyse objective de la situation. L’assertion suivante d’un juriste canadien rend bien compte de ce traitement fondé sur les principes d’équité.

Il faut Cependant reconnaître dès le départ que toute différence de traitement entre les individus dans la loi ne produit pas forcement une inégalité et, aussi qu’un traitement identique peut conduire à de graves inégalités.   J Mc Intyre : Juriste canadien

QUELQUES CONCEPTS USUELS EN APPROCHE GENRE

ÉGALITÉ 

Des conditions égales, des possibilités et des chances égales dans l’existence !

L’égalité de genre renvoie aux principes d’égalité de droit et de statuts entre les hommes et les femmes.

ÉQUITÉ

La justice envers tout le monde !

ÉQUITÉ de genre rend compte des conditions d’application des principes d’égalité de droit et de statuts. C’est l’égalité de chance des hommes et des femmes de participer au développement.

L’image suivante renvoie à une intervention qui tient compte du principe d’équité :

DIVISION DU TRAVAIL

  • Le travail lié à la PRODUCTION
  • Le travail lié à la REPRODUCTION

– l’entretien ménager

– les tâches domestiques

– le soin et l’éducation des enfants

– les courses

– la collecte de l’eau et du combustible

  • Le travail lié à la COLLECTIVITÉ

BESOINS PRATIQUES

Les besoins pratiques sont liés aux conditions de vie (alimentation, accès à l’eau, allègement des tâches domestiques, etc.). Les projets visant les besoins pratiques comprennent en général des mesures visant à corriger des problèmes reliés à de mauvaises conditions de vie. Les besoins sont souvent immédiats, à court terme et facilement identifiables par les femmes

INTÉRÊTS STRATÉGIQUES

Les intérêts stratégiques des femmes naissent de leur position de subordination dans la société. Ce sont des intérêts à long terme qui visent à améliorer la situation des femmes.  

Les intérêts stratégiques des femmes incluent notamment : l’acquisition de droits juridiques, l’accès au processus démocratique participatif, l’accès à l’égalité dans l’éducation, l’emploi, etc.

LES STEREOTYPES SEXISTES

Ce sont des croyances ancrées et simplistes qui attribuent des traits de caractère et des activités spécifiques à l’un ou l’autre sexe.

Les stéréotypes sexistes essayent de justifier la domination des hommes sur les femmes non à partir du mode d’organisation de la société, mais comme une situation relevant des caractères naturels des femmes et des hommes.

Dictons poular

  • Laissée à elle-même, la femme épouse toujours un saltimbanque ;
  • Mange le repas que ta mère a préparé, n’écoute pas ses paroles

Maure

  • Il n’y a pas de petit feu comme il n’y a pas de petite femme (même les petites filles sont dangereuses).

Soninké

  • Ne confie à la femme qu’un dixième de tes secrets. 

Wolof

  • Jigeen, ni ween yi segge la xel mi segge.
  • Jigeen soppal té bul woolu

PARITE

La parité renvoie à une représentation égale des femmes et des hommes dans les instances de décision. Son but est de promouvoir une égale participation des hommes et des femmes à la prise de décision. C’est un instrument au service de l’égalité.

L’ACQUISITION DE POUVOIR (EMPOWERMENT) 

L’acquisition de pouvoir est un élément important du processus de développement puisque c’est un moyen par lequel les populations prennent le contrôle des actions à entreprendre pour surmonter les obstacles à leur développement. Cela implique une action collective et engagée des catégories subissant les effets de la situation d’inégalité structurelle qui les a jusque-là maintenues dans le statut de déshérités. L’empowerment des femmes est aussi bien le but à atteindre que le processus qui permet l’avancement des femmes.

L’AUTONOMIE (SELF RELIANCE) :

C’est la capacité à améliorer ses conditions à partir de ses propres ressources et de ses propres efforts, cet effort se faisant à l’intérieur des structures sociales existantes. Derrière cette définition, est sous-entendu que les problèmes de développement résultent davantage de l’incapacité des individus et de l’insuffisance de leurs efforts que de la société.

LA PARTICIPATION 

Participer signifie prendre part à une activité, une entreprise ou une initiative, se livrer à une action commune. Dans une perspective de développement, l’on entend par participation l’action des groupes, des communautés et des institutions qui prennent part au processus de développement. 

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